Les rues en pente rude de Sherbrooke me font
penser à Lausanne. Mais je crois qu’entre le lac d’Ouchi et la colline la plus
haute de Lausanne, il y a une différence de plus de 500 mètres, cela fait 18
ans que j’y ai passé 6 mois.
Que les habitations se développent autour des
rivières est un phénomène assez normal, mais Sherbrooke s’est développé autour
de la centrale hydroélectrique de la rivière Saint-François. D’abord
exploitation commerciale de la ressource naturelle et puis la civilisation, l’urbanisation
a eu lieu.

Le B&B Champs de Provence sur la rue de Québec est sympa, Alexie et
Céline, les hôtes, font un bon accueil, me mettent à l’aise. Je serai chez eux
pour deux jours, lundi après-midi Liette Bergeron sera de retour et puis sa
maison sera mon dernier logement.
Le soir Serge m’a
invitée à souper au restaurant avec sa famille. Mme Ping et la petite
Emmanuelle sont très aimables. Ils ont apporté une bouteille de vin avec eux,
que la serveuse ouvre pour nous. Le lendemain soir je suis invitée chez eux et
Ping va préparer un repas chinois.
Dimanche, le 13 octobre 2013
Une excellente
après-midi mémorable où Serge me fait découvrir la région de l’Estrie. Nous
passons d’abord à l’Université de Sherbrooke, nous longeons un peu les
différents bâtiments du campus, et puis nous partons vers le lac Massawipi. La
route descend considérablement et alors seulement je me rends compte à quelle
hauteur nous étions.
La route de Coaticook passe par les plaines, Serge se trompe de route, et
c’est encore un voyage agréable. La conversation tourne autour des maisons
style anglais dont Serge a envie, du prix des maisons, etc. Plus tard, quand
nous passons devant une ferme avec de belles vaches, ce que Serge dit à propos
du prix d’une vache est incroyable : une maison de campagne peut coûter
100,000 dollars canadiens, tandis qu’une vache peut valoir 200,000 dollars canadiens !!!
Je me souviens, mes beaux-parents avaient vendu leur bufflesse pour 20 mille
roupies il y a huit ans.
Nous croisons une cabane à sucre et
Serge, qui fait un détour pour y jeter un coup d’œil. C’est dans cette cabane
qu’est bouillie la sève des érables, qu’on appelle « eau d’érable »
qui est recueillie en les entaillant. En bouillant, l’eau d’érable peut devenir
du sirop ou de la tire, selon le temps qu’elle bouille.
Le pont suspendu sur la rivière Coaticook et le vallon perché sont beaux et
aussi populaires. Pour la première fois je vois du monde - plus de 50 à la fois
qui se trouvent là par hasard. Un passage mène au pont et les pas d’autrui font
bouger le pont, exigeant de l’effort pour garder la main sûre en prenant les
photos depuis le pont. Il y a des marches à l’autre bout qui descendent jusqu’à
la rivière. Le panneau dit qu’il y a des siècles, l’eau pouvait toucher le pont
suspendu qui se trouve à des centaines de mètres au-dessus de la rivière
actuelle.
Une centrale hydraulique tout près avait un
visiteur particulier – un chien aussi gros qu’un poney dont la propriétaire était
visiblement très fier.
Le soir Serge revient me chercher pour aller souper chez lui : Ping,
sa conjointe, et Emmanuelle leur fille que j’avais déjà rencontrées la veille
étaient là, aussi chaleureuses. Le repas était délicieux et Emmanuelle a joué
du piano. L’année prochaine elle ira dans une école qui lui permettra de
continuer l’apprentissage de la musique.
Lundi, le 14 octobre 2013
Le climat a changé, il
a plu la nuit et aussi le matin jusqu’à 9h. Je vais quitter le B&B Champs
de Provence ce matin. Le ciel est toujours gris et quand Serge vient me
chercher, on fait ce que font les Sherbrookois : aller aux grandes
surfaces. C’est la façon de sortir par un climat peu agréable.
L’après-midi Liette
Bergeron est de retour. Elle vient me chercher au bistro où nous sommes. Et deux
Sherbrookois font connaissance par la connexion Pune que je représente !
La maison de Liette
est particulière. Dommage je n’ai pas
pris de photos de partout. C’est plus qu’une maison attenante. Il y a cinq
locataires – deux à gauche, deux à droite et un derrière. Les deux portes
principales sont laissées déverrouillées, étant l’accès commun aux deux
locations du rez-de-chaussée et à l’étage. Chez Liette c’est le premier étage
et une partie du grenier. Ma chambre est au grenier à côté du bureau de
travail. Monter ma grosse valise par l’escalier raide est un accomplissement en
soi. Maintenant je connais le secret de Liette la svelte : monter et
descendre cet escalier plusieurs fois par jour et aussi aller au travail à
pied.
Nous allons de nouveau
aux grandes surfaces et cette fois le nombre de voitures au parking est
beaucoup plus élevé. Liette aime cuisiner et elle y est douée. La crème glacée
qu’elle avait choisie au supermarché est bonne aussi.
Mardi, le 15 octobre 2013
Le matin Liette m’accompagne au Cégep. Jean
Boisvert est déjà à son bureau. Il nous sert un thé indien. On discute un peu
la pièce de théâtre holi qu’il a entrepris de traduire en québécois.
Aujourd’hui je dois m’adresser à ses étudiants de littérature, je leur
présente donc un survol des temps de la littérature marathie. Puis je passe à
Jean mes .ppt qu’il convertit en .pdf et diffuse à ses étudiants. Jean me fait
un cadeau - Chronologie du québécois par
Jean Forest.
Le bistro de la coop des étudiants offre un menu
simple mais nourrissant. Nous revenons au pavillon 4, où se trouve le département
de français, avec nos paquets et mangeons dans la salle des profs. Jean me
présente à celles et ceux qui se trouvent là dont Julie qu’on avait croisée, Liette
et moi, au supermarché.
Retour chez Liette en
sa compagnie, maintenant je crois pouvoir me débrouiller tout seule pour faire
le chemin du Cégep à chez elle. Mais c’est prévu que le lendemain Jean
viendrait me chercher car Liette doit partir tôt.
Le soir nous allons
chez Namrata Khandekar – Boileau, la fille de ma collègue Manjiri qui habite
Sherbrooke depuis son mariage en 2009. C’est Namrata et Jean-Christian qui sont
en fait à l’origine de ce projet « Québec-Maharashtra », car quand on
a invité des projets en octobre 2011, Manjiri savait vers qui tourner, ayant
fait la connaissance de nos futurs partenaires lors de sa visite en juin 2011.
Les deux petits de
Namrata - Rohan 2 ans et Sameer 5 mois - se ressemblent beaucoup. Olivier et sa
conjointe Melissa qui ont mis Manjiri en contact avec Liette et Serge sont
aussi là. La soirée est encore agréable avec un menu indien, après 10 jours. On
se découvre en s’éloignant de son environnement. Lorsque nous avons pris congé
des hôtes, et descendu l’escalier, Liette a voulu me rappeler que la voiture
était à gauche. Je savais bien, mais moi, je voulais tourner pour agiter la
main en « au revoir », Namrata était là, avec Jean-Christian et
Rohan. Elle est restée jusqu’à ce que nos voitures ne s’éloignent.
Mercredi, le 16 octobre 2013
Aujourd’hui je parle
de la langue marathie devant les étudiants de langue. Jean les avait fait
travailler en préparant des questions à propos du marathi. Dire tout à propos
d’une langue en 90 minutes ! J’ai fait de mon mieux, je serai contente si
quelques uns s’en inspirent pour apprendre la langue. J’ai laissé un fichier pdf d’une méthode de marathi expliqué
en anglais. Encore un cadeau pour moi, Anatomie du québécois par Jean
Forest.
Après le repas nous
allons à la station de radio communautaire CFLX. Je remarque qu’il n’y a pas
d’antenne ; effectivement, avec la diffusion par l’internet, on n’en a pas
besoin. Nous croisons M. Le Maire qui sortait après son émission prévue pour
plus tard ou en direct, je n’ai pas su. Sylvie Bergeron, elle aussi professeure
au cégep de Sherbrooke a une émission hebdomadaire tous les samedis. C’est pour
cela qu’elle nous interviewe, une vraie professionnelle, qui, plus tard, seulement
en regardant les courbes intonatives, a su effacer les moments
d’hésitations !
Le soir Jean nous a invitées
chez lui. Ses enfants nous ont fait bon accueil en disant Namaste en
marathi. Ils sont tous très sages. Jean a prévu un repas indien, lui
aussi ; la marque des légumes prêts à manger n’est pas connue en Inde. Il
y a même des pains indiens. Jean-Philippe Boudreau, le collègue que je dois
rencontrer le lendemain, fait un saut.
Jeudi, le 17 octobre 2013
Les conférences sont
toutes finies, aujourd’hui il y a deux réunions, la première avec Nathalie Watteyne.
Je vais au centre Anne Hebert avec Serge. Ce centre abrite non seulement les ouvrages
de l’auteure mais aussi sa collection personnelle des livres, les thèses sur
elle, tout.
Nathalie Watteyne et
son conjoint François Hébert sont très chaleureux. Ils nous invitent à dîner. M.
Hébert est un indophile qui a même écrit un livre De Mumbay à Madurai.
Je découvre qu’il est en fait un poète et par la petite interaction qu’on a eue
à table, il apparaît un homme fin. Avec Nathalie Watteyne on a maintenant un
visage du département de la littérature de l’Université de Sherbrooke, j’espère
pouvoir pousser un accord entre nos deux universités.
La deuxième réunion est au cégep où me conduit Serge Granger que je ne
reverrai plus avant mon départ. Vraiment, pendant les dix jours il était mon
ange.
Au Cégep la réunion
avec Sylvie Bréault, responsable de la mobilité académique internationale, Jean-Philippe
Boudreau, conseiller pédagogique, et Liette Bergeron la responsable du
programme Québec – Maharashtra fait sortir un projet tangible d’échange
d’étudiants. Ils sont prêts à accueillir 10 étudiantes et un(e) enseignant(e)
qui les accompagne. Les dates convenables des deux côtés sont les deux
premières semaines d’avril. Et Jean-Philippe Boudreau va venir en février
enseigner le cinéma québécois. Je récolte encore des cadeaux, d’une part les
brochures etc. du Cégep, et d’autre part la revue Jet d’encre, dont Jean-Philippe Boudreau a
piloté le dernier numéro qui porte sur Sherbrooke.
Une dernière sortie ce
soir, au lac MemphréMagog avec Liette. On fait un petit détour pour voir son
ancienne maison au milieu de nulle part. Son compagnon de l’époque et elle avaient
leur propre espace et habitaient l’une, au rez-de-chaussée et l’autre, à
l’étage ! Même maintenant, l’autonomie reste la valeur incontournable pour elle
– quelque chose que j’apprécie, mais qui m’a coûté cher dans ma vie.
Il vente beaucoup au
bord du lac, il y a à peine 4-5 visiteurs. Ce lac s’étend jusqu’aux États-Unis.
J’ai du mal à imaginer que tous ces lacs se gèlent complètement en hiver, et qu’on
fait du patinage au-dessus !
On n’attend pas le coucher du soleil pour faire du shopping. A Magog,
endroit de villégiature, les magasins ferment à 18 heures au lieu du 21h
habituel ! Trouver des cadeaux légers, pas trop chers comme des nappes, etc. ne
donne pas grand-chose, tout est fabriqué en Chineou à Taiwan !
Puis on va acheter des
piments et des oignons pour faire des POHE le lendemain matin. Liette avait tous
les ingrédients nécessaires, m’a-t-elle rassurée, surtout les POHE - des
flocons de riz - qu’elle a apportés d’Inde. J’ai même confirmé que par
moutarde, elle entend les grains et non pas la pâte. L’IGA n’a pas les piments
qu’il me faut, nous allons au magasin Les 5 saisons. Liette est
impressionnée par mon commentaire notant que les piments sont du nord de
l’Inde.
Puis la dernière
aventure, manger la poutine authentique. Lorsque Liette était à Pune, elle
avait remarqué poutine sur le menu du Chocolate Room. J’en avais
commandé, même si elle était certaine que ce serait tout sauf ce qu’on appelle
« poutine » au Québec et en effet, ce n’était pas une poutine, selon
elle, c’étaient des frites qu’on trempait dans une sauce au fromage et au cari
servie à côté. Depuis elle voulait me faire goûter à la vraie poutine. En
effet, ce qu’on avait mangé était loin d’être de la poutine.
Mais il y avait une
véritable aventure qui m’attendait : le lendemain quand je veux faire des
POHE, je trouve comme asafoetida et curcuma de durs morceaux ! Je n’avais
pas imaginer une forme outre que poudre ; ma grand-mère se servait
d’asafoetida en morceaux et quant au curcuma, elle et même ma mère en
achetaient des morceaux en gros et puis les faisaient moudre à un grand moulin
automatique situé dans un vieille ville consacrée aux épices où les grains
comme le blé ou le riz ne se moulaient jamais. La poudre du curcuma était fait pour
durer toute l’année. Mais finie cette pratique dans notre génération. Or,
l’asafoetida se meule assez bien dans le moulin à café, mais le curcuma ne cède
pas si facilement. Je suis désespérée. Les mixers sont pour faire des jus, rien
pour les ingrédients sec… Liette se prépare pour aller chercher du curcuma en
poudre… et puis elle se souvient d’un vieux gadget qui peut faire l’affaire !
Ouf ! Effectivement.
Voici
donc les POHE qui sont un des plats du déjeuner type des maharashtriens.
J’aurai aimé les garder prêts avant l’arrivée de Jean, car ce n’est pas bien
vue chez nous si le repas n’est pas prêt avant que les invités n’arrivent. Donc
les voilà encore au four
Ainsi vient à son terme mon séjour dans un deuxième
pays francophone, après la Suisse pendant six mois, il y a 18 ans. Le français
est la langue qui est devenue ma passion, mon métier; et j'ai des amis surtout parmi
les gens francophones. Et dire que lorsque
j’ai commencé à apprendre le français avec mon Mauger bleu, mon premier manuel
de français, la seule allusion à Montréal, même pas au Québec, était la famille
Vincent qui visitait la France. Enfin, je découvre ce pays francophone où le
français est resté une langue vivante en partie grâce à l’église catholique,
mais surtout grâce à la détermination des Québécois qui voient dans le français
leur identité, leur sens de parler le français original qui rend à la francophonie
un grand service. Vive la mentalité rigide des hommes qui ont largement
contribué à maintenir la diversité linguistique par le monde, quelque langue
qu’elle soit !